La fin de l’art
par
REMY DE GOURMONT
Les Cahiers de Paris
Première série. 1925. Cahier VIII.
LA FIN DE L’ART
LES CAHIERS DE PARIS
dirigés par Claude Aveline et Joseph Place.
PREMIÈRE SÉRIE, 1925. CAHIER VIII.
LE TIRAGE DE CHAQUE CAHIER EST LIMITÉA 1.500 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS, SAVOIR :50 EXEMPLAIRES, Nos 1 A 50, SUR VERGÉD’ARCHES ; 1.425 EXEMPLAIRES, Nos 51 A 1475,SUR VÉLIN D’ALFA DES PAPETERIES LAFUMA ;25 EXEMPLAIRES, Nos 1476 A 1500, SUR PAPIERDE MADAGASCAR (CES DERNIERS SOUSCRITSPAR LES MÉDECINS BIBLIOPHILES ET LESBIBLIOPHILES DU PALAIS).
Exemplaire No
REMY DE GOURMONT
LES CAHIERS DE PARIS
43, rue Madame (6e)
PARIS
1925
Tous droits réservés.
Copyright by Jean de Gourmont.
1925
Il y a, dans le dernier livre de M. Ferrero,qui est un long dialogue philosophique à lamanière de Renan, un assez curieux personnage,sorte de Caliban en qui se concentrel’essence du béotisme moderne ou encoredu futurisme moderne, ce qui est bien prèsd’être la même chose. C’est l’homme pourqui les choses de l’esprit, du sentiment, del’art n’existent plus, qui méprise tout cequi ne se traduit pas en résultats tangibleset mesurables. L’art surtout l’exaspère. Illui reproche, le croirait-on ? de ne pasavoir de valeur raisonnable, objective, carce futuriste use du jargon ancien. Qu’est-cequ’une tragédie grecque ou une pièce deShakespeare, un portrait du Titien, unestatue de Rodin, des choses qui passionnentles uns, quelques-uns, laissent tous lesautres indifférents ? Appellera-t-on cela desvaleurs sérieuses ? Tandis qu’une mine d’or,une ligne de chemin de fer, une usined’irrigation travaillent, produisent pourl’humanité tout entière qui a besoin d’or,besoin de transports, besoin du blé queproduit la terre fécondée. Cet individu estitalien. C’est peut-être lui qui a proposé decombler les canaux de Venise et de n’ymaintenir que l’humidité nécessaire àl’établissement de rizières ; lui qui méditad’installer dans le palais des doges unefabrique de chaussures. Ils se rattrapent,les Italiens qui ont croupi si longtempsdans l’art. Que de temps perdu ! Agglomérésen nation, ils rougissent de leur niaiseriepassée et ne supportent même plus qu’ons’intéresse aux bagatelles que, dans desheures d’égarement, ils ont entassées dansleurs musées. Y a-t-il dans cet état d’espritautre chose qu’une gageure ou bien serait-ceun avant-goût des temps futurs ? Quisait ? Tout ce qui a commencé doit avoirune fin et on doit prévoir celle de l’art,comme celles de toutes c