Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
CORBEIL, TYP. ET STÉR. DE CRÉTÉ.
LA
SOLITUDE
PAR
ZIMMERMANN
TRADUCTION NOUVELLE
PRÉCÉDÉE D'UNE INTRODUCTION
PAR
X. MARMIER
PARIS
CHARPENTIER, LIBRAIRE-EDITEUR
28, QUAI DE L'ÉCOLE
1859
Brugg est une jolie petite ville du canton d'Argovie,située au confluent de l'Aar, de la Reuss et de laLimat. Je passais là, il y a quelques mois, par une deces fraîches matinées d'été qui répandent tant decharme sur les riants paysages de la Suisse. Tandisque le conducteur de la diligence faisait une halte àl'hôtel de l'Étoile, je regardais avec une vive curiositéla situation pittoresque de cette cité helvétique, larivière écumante, fougueuse, qui la traverse, et lesvertes prairies et les collines ondoyantes qui l'entourent.«Regardez la nouvelle maison d'école, me disaitun honnête professeur de Bâle qui voyageait avecmoi; regardez le mur d'enceinte de la ville, où l'onvoit un curieux bas-relief représentant une tête de IIHun.» Mais je ne songeais ni à la nouvelle école niaux anciennes sculptures de la bourgade argovienne.Brugg ne me rappelait qu'un nom, le nom de Zimmermann,et je n'étais occupé qu'à associer dans mapensée l'aspect remarquable de cette ville au caractèredistinct du célèbre physiologiste. Qui ne sait l'influencequ'exercent sur nous les lieux où s'est éveilléenotre jeunesse, les premiers tableaux qui ont frappénos regards, les premières impressions qui ont saisinotre esprit? Il y a des siècles que l'on a comparé,dans une image pleine de grâce, l'âme de l'homme àun vase qui conserve la saveur des parfums dont il aété imprégné. Ces parfums sont les conceptions naïvesde notre enfance, les songes encore flottants, mais vifset durables, que la vue du monde ou la contemplationde la nature a fait naître dans notre imagination.Buffon a, dans un de ses plus beaux traités, indiquél'action diverse des climats sur l'organisation physiqueet le moral de l'homme. Un sage et respectable écrivain,M. de Bonstetten, a consacré tout un livre à cettemême étude [1]. On pourrait étendre la question beaucoupplus loin, et démontrer que ces dispositions déterminéesde l'esprit, qu'on baptise du nom de vocation,ne sont souvent que le résultat d'une impressionaccidentelle, spontanée, énergique, dont les parentsles plus clairvoyants et les maîtres les plus habiles nedistinguent peut-être pas même la source. Combiende peintres ont dû la soudaine révélation de leur avenirà la vue d'un tableau qui fécondait, comme unardent soleil, leurs facultés inertes! Combien de poëtesont été, comme la Fontaine, émus subitement jusqu'aux IIIlarmes en entendant réciter une ode, et ontsenti vibrer en eux les cordes d