LES FUNÉRAILLES DE Mme LOUBET MÈRE À MARSANNE
Le président de la République devant la tombe.
Dessin de notre envoyé spécial, M. L. Sabattier.]
Fin de mois mélancolique... Les brasseries du quartier sont moinspeuplées à l'heure de l'apéritif et se vident, le soir, un peu plus tôtqu'à l'ordinaire. On y fait aussi moins de bruit; on y rit moins fort etc'est, depuis trois semaines, comme un affaissement, un ralentissementde vie qui étonne. Un pensionnaire de mon hôtel, vieux garçon et maîtrede conférences à l'École des chartes, m'explique:
«Janvier est un mois terrible pour les Parisiens et vous n'êtes en cemoment entourée, madame, que de gens qui n'ont plus le sou. Professeurs,étudiants, petits rentiers du quartier latin, nous sommes tous ici logésà la même enseigne. Il y a eu les étrennes, d'abord... et puis après, ily a eu le terme, qui nous a achevés; c'est pour cela que vous voyez tantde banquettes vides autour des tables où l'on boit. On souffle... on serepose de l'effort auquel janvier condamne les petites bourses. Lescafetiers savent bien cela et que le même phénomène s'observe aulendemain de toutes les fêtes et des échéances de loyer. Sans le secoursd'aucun calendrier, un gérant de brasserie qui connaît son métier n'abesoin que de jeter un coup d'oeil aux tables de son établissement pourvous dire à peu près l'heure qu'il est, quelle saison nous traversons eten quelle partie du mois nous sommes. Vous vous imaginez, vous autresfemmes, que l'on consomme des bocks ou des verres de quinquina comme onveut et que c'est par hasard qu'il y a tantôt beaucoup de monde auxterrasses du boulevard Saint-Michel et tantôt peu. Quelle erreur,madame! Ces petites choses ont la fatalité d'une loi astronomique, et,même, ici les pauvres hommes qui se croient libres n'ont que l'illusionde la liberté...»
J'ai trouvé ce matin dans mon journal une lettre bien curieuse, adresséepar M. le ministre de l'intérieur à un sénateur bourguignon, nommé Piot.Ce M. Piot est un homme vénérable, à ce qu'on dit, et d'excellent coeur,qu'obsède une double ambition: M. Piot souhaiterait que les famillestrès nombreuses fussent exceptionnellement honorées et protégées, parcequ'il est d'avis (à tort, ou à raison, je n'en sais rien) que lesfamilles très nombreuses sont la richesse d'une nation et sa sauvegarde;et, pour la même raison, M. Piot voudrait que, par toutes sortesd'encouragements et de faveurs l'État incitât les familles qui ne sontpoint nombreuses à le devenir... Or, il y a des économistes qui ne sontpoint de l'avis de ce sénateur et qui pensent que c'est, au contraire,le droit (et le devoir aussi, peut-être) d'un brave homme qui se mariede ne point encombrer sa maison de plus d'enfants qu'il n'en peutnourrir,--et qui, pensant cela, l'ont osé dire tout haut... Même,plusieurs d'entre eux ont demandé, pour soutenir ces opinions, que dessalles de mairie leur fussent ouvertes autour