L'Illustration, No. 3253, 1er Juillet 1905
Suppléments de ce numéro:
1° Une gravure en couleurs, Éloquence officielle, par AlbertGuillaume.
2° Musique: Pièce Brève, par Gabriel Fauré; l'Ame des Fleurs, parMassenet;
Poème languide, par A. Scriabine.
LES TAMBOURS dont le comité de l'infanterie propose lasuppression.
Voir le Courrier de Paris à la page suivante.]
Je ne connaissais pas M. Dujardin-Beaumetz. Je l'ai vu ces jours-ci pourla première fois. C'était au Cours-la-Reine. Il inaugurait l'Expositionde l'Enfance et, bien que l'installation n'en fût pas encore tout à faitachevée, il semblait s'y amuser beaucoup. On lui fit voir des poupées etdes jouets dont la vue excita sa joie; il visita une chèvrerie, souritaux chèvres et promit que leur lait serait bon. Comme il passait devantun jeu de balançoires immobiles, il admira l'alignement des sièges etdes poutrelles coloriées auxquelles ces sièges étaient suspendus et dit:«Voyez comme, avec peu de chose, on peut faire de la beauté. Ceci mêmeest joli. Ces bois peints, ces cordages légers, ces cuivres, ont unegrâce géométrique qui amuse l'oeil. On dirait une estampe dudix-huitième...» Correctement ganté, le torse épais sanglé sous laredingote noire, il avançait à pas tranquilles, appuyé sur sa canne. Ilserrait des mains, félicitait. Je regardais sa figure. Elle est ronde etcolorée, s'encadre de boucles grisonnantes qui frisent sous le bord duchapeau et d'une courte barbe étalée en éventail autour du menton. Desyeux doux et profonds, sous la barre noire des sourcils, éclairent cetteface de brave homme d'un air de bonté satisfaite. On le mena au buffet.On lui présenta une coupe de Champagne qu'il prit en souriant et vidasans déplaisir. Une musique militaire joua devant lui le prélude deMessidor et, comme il avait aperçu l'auteur, Alfred Bruneau, parmi lafoule qui l'entourait, il lui fit signe, de s'approcher, lui prit lesmains, le nomma aux musiciens, le remercia. Des journalistes, à côté demoi, échangeaient leurs impressions. L'un d'eux dit: «Dujardin-Beaumetzest heureux... Il inaugure. Il n'y a que cela qui l'amuse.»
C'est vrai. M. Dujardin-Beaumetz a beaucoup inauguré depuis qu'il dirigeles Beaux-Arts; et ce zèle attire sur lui, je crois, quelquesrailleries. Comme il a raison, cependant, de ne point faire fi de cequ'il y a de meilleur dans son état! C'est charmant, une inauguration.C'est charmant, parce que c'est le commencement de quelque chosed'utile, de bon, de joli, et qu'autour de ces commencements-là il n'y a,pour un spectateur doué d'un peu de dilettantisme et de finesse, que dela joie à recueillir.
J'ai connu un vieux garçon, pauvre et très seul dans la vie, dont laprincipale récréation était d'assister de temps à autre à une messe demariage, de se mêler aux groupes bavards de la sacristie, de frôlerd'élégantes toilettes, d'en humer le parfum et, au besoin, d'embrasserla mariée quand elle était gentille. J'imagine que c'est un genre devolupté analogue que M. Dujardin-Beaumetz vient chercher d